Jeanne Develle

" Pendant des années je n’ai pas pensé à dessiner.
Après des études littéraires, je suis entrée aux éditions Hachette, où j’ai travaillé au département des Livres-Jeunesse. Là, j’ai commencé à écrire une série destinée aux jeunes enfants, dans la collection « Bibliothèque Rose » intitulée « Clémence », qui  avait comme personnage principal une petite fille, vivant à la campagne, entourée d’animaux. Elle découvre, que grandir n’est pas facile, et que les relations avec les autres ne sont pas toujours simples.
J’avais déjà une petite expérience de l’écriture, ayant écrit et publié des histoires pour enfants sous forme d’albums dans diverse maisons d’édition (Armand Colin, Delagrave, Fleurus, G.P. Lito…), où j’aimais   raconter des histoires mettant en scène des animaux.
Pourquoi me suis-je mis à dessiner alors que je n’ai jamais étudié aux Beaux-arts ni dans aucune école d’Arts graphiques, même pour mon plaisir ?
Je n’en sais rien. Cela n’a peut être aucune importance. J’imagine que je l’ai fait par instinct, comme les hommes et les femmes, qui vivaient dans des grottes préhistoriques, à Lascaux ou ailleurs.
Mais à partir du moment, où ce désir de créer nait, c’est une exigence très forte à laquelle il est impossible d’échapper.
Depuis toujours, j’aime les Images. Dans ma petite enfance, j’ai dévoré des livres, en grandissant j’ai continué à lire avec passion les livres illustrés : Mickey, les contes de Perrault, les fables de La Fontaine, Jules Verne, Rudyard Kipling, Jack London, l’Ile au Trésor, Les trois Mousquetaires, les récits d’Indiens et de Cowboys, toutes ces histoires accompagnées de dessins réalisés par des centaines d’illustrateurs  talentueux. 
J’aime aussi le cinéma. C’est ma mère Paula, qui me l’a fait découvrir. Elle était une femme  sensible, drôle, un peu excentrique, qui écrivait de la poésie et aimait passionnément le septième art.
Je suis née à Paris, ville de la Culture et de la Création dans ses galeries, musées, son architecture, son histoire, ses théâtres, sa foule immense, ses rues et ses cafés. A partir de là, ma connaissance s’est développée à travers les chefs d’œuvre des grands mouvements artistiques de mon pays et des pays, que je visitais. Une fois commencée, le goût de cette création foisonnante, extraordinaire ne m’a plus quitté.
De plus, pendant quelques années, j’ai eu la possibilité de diriger une galerie, ou j’organisais des expositions de groupe de photographes, de peintres, d’illustrateurs, de sculpteurs… en un mot, les créateurs d’aujourd’hui.
Lorsque j’arrive dans une ville, la première chose que je visite ce sont les musées et les galeries d’art. C’est comme ça, un jour, que j’ai découvert Gaston Chaissac. J’ai tout de suite aimé ses dessins bizarres. Il possède de la poésie, de l’humour, une tendresse, qui s’exprime bien autrement. Il fait partie de ces créateurs, qu’autrefois personne n’aurait reconnus mais qui aujourd’hui occupent une place importante dans l’histoire de l’art. Il a inspiré une génération de gens, qui n’avaient jamais appris à dessiner, simplement par sa liberté.
Comment je dessine ? Sur une feuille de papier je trace, à l’aide d’un pastel à l’huile noir,  des lignes au hasard. Une fois ces lignes terminées, je me demande ce qu’elles pourraient représenter. C’est toujours une surprise de voir un dessin possible à réaliser. Cela ressemble à un tour de magie... Une fois trouvé un sens, j’aime les colorier de couleurs vives. Il m’est impossible de créer un monde en noir et blanc. Les couleurs me semblent le signe évident de la vie. Le monde est coloré par un Artiste génial, qui a inventé une faune magique tout aussi fascinante, que les plus belles créations humaines.
J’admire un livre d’un écrivain philosophe anglais, John Burger, qui s’intitule « Pourquoi faut-il regarder les animaux ? » La réponse c’est qu’ils sont dignes et beaux et qu’il faut les aimer et les protéger. Ils sont une partie de nous-mêmes.
J’éprouve cette passion. Rien ne me désespère plus, que lorsque j’entends, qu’une race d’animaux est en voie de disparition, comme les éléphants, les rhinocéros, les tigres… Je déteste aussi l’élevage industriel, qui apparait dans nos campagnes. J’aimerais réaliser maintenant une série de dessins  sur la chasse et les espèces menacées. Dessiner c’est  dire des choses sur ce qui nous pose question.
Voilà, mes dessins sont une sorte de famille, qui s’agrandit de jour en jour. Je les ai utilisés dans deux livres : « Les Chiens », qui sont un répertoire de tous les chiens vrais et faux, que j’ai pu imaginer, et les « Ces Chouettes ! », des histoires rimées, racontée sous forme de comptines.
Aujourd’hui j’habite Bruxelles. J’aime vivre à l’étranger, plus particulièrement dans une grande ville. Il ya dans toutes les villes européennes une particularité, un esprit, qui n’appartient qu’à elles. L’Europe est un lieu fascinant de langue, de culture, de création, de talents, d’inventeurs, de réalisateurs, d’écrivains, de poètes...
Enfin,  pour terminer, je vous suggère que, si vous  aussi avez a envie de créer, ne vous occupez pas de l’opinion des autres. Prenez de la peinture, des pastels, du carton, du papier, tout ce que vous voulez. Laisser vivre le monde, qui vous appartient et que vous désirez représenter."

Bruxelles, Novembre 2018

JEANNE DEVELLE